luc tartar
Une résidence à Clermont-Ferrand, printemps 2004 (2004)
Le chemin de la liberté — du vécu à l’imaginaire
mise à jour:

Un atelier d’écriture avec des adolescents

(article paru dans « Art et thérapie » n°90/91, mai 2005 )

Une résidence à Clermont-Ferrand :
Printemps 2004. J’anime à Clermont-Ferrand des ateliers d’écriture sur le thème du langage amoureux chez les adolescents. Cette résidence se fait en liaison étroite avec le travail mené par Jean-Claude Gal et le Théâtre du Pélican et je bénéficie d’une bourse du CNL.
L’objectif est de travailler avec les adolescents sur le sentiment amoureux, de réfléchir avec eux à l’apparition d’un nouveau langage amoureux, ludique, inventif, qui s’appuierait notamment sur les technologies d’aujourd’hui (SMS, Internet), puis d’établir un dictionnaire tout à la fois sensible, pétillant et imagé.

Six groupes d’ados :

J’interviens dans six groupes d’adolescents : deux groupes issus de lycées privés, un groupe de jeunes malentendants, une classe de SEGPA (Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté) et deux groupes de jeunes des quartiers, un groupe de garçons et un groupe de filles.
D’emblée, je perçois l’intérêt de travailler avec des groupes aussi différents, aux identités sociales et culturelles particulièrement fortes.
Au cours des séances, nous rencontrons les habituelles difficultés (lacunes, inhibitions…) et nous tentons de les surmonter. Il m’apparaît essentiel de dépasser la peur de l’échec pour mieux appréhender ce qui me semble être le cœur du projet : ce que ces adolescents ont à dire sur le sentiment amoureux, comment ils en parlent, comment ils l’écrivent.
Je découvre alors un autre écueil : les facilités et les lieux communs derrière lesquels ils se retranchent pour ne pas dévoiler leur part d’ombre, leurs secrets ou leur intimité.

Un carcan existentiel :

Pourtant, ce qui me saute au visage, et dès le début des séances, c’est la fragilité de ces adolescents.
Leur décontraction apparente, mélange de distance, de désinvolture, voire de désintérêt, n’est que façade. Façade aussi ces rêves de bon ton et ces amours de pacotille qu’ils mettent en avant pour parler d’avenir. Ce côté fleur bleue chez les filles (l’amour de toute une vie, l’homme idéal…) se décline chez les garçons dans une conscience aiguë de leur rôle et de leurs responsabilités (le respect des valeurs, les règles, la transmission…) C’est comme si filles et garçons avaient intégré, sans enthousiasme, ce que la société attendait d’eux et les rôles qui leur incombaient.
Ainsi, certains textes écrits dans l’atelier sont normatifs, peu imaginatifs, mais paradoxalement chargés en émotion : derrière la banalité des propos se cachent un mal être et une violence qui échappent souvent à leurs auteurs.
De même, au cours des échanges autour des textes, il me semble parfois voir des adolescents étriqués, enfermés dans un carcan existentiel qui s’est construit jour après jour et dans lequel s’accumulent l’éducation qu’ils ont reçue, les principes moraux, les interdits culturels et religieux, tout cela mélangé avec leurs propres doutes, leurs élans et leurs contradictions.

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