Estafette :
Au front, trois soldats se lient d’amitié. L’un d’eux, Gus, est condamné à mort par l’état-major pour avoir reculé devant l’ennemi. Toinou, estafette de la compagnie, et Jacquot, responsable de l’élevage des pigeons militaires, vont tout faire pour essayer de le sauver…
D’emblée, les lycéens s’emparent de la pièce : le titre, les prénoms des personnages, leurs fonctions militaires (estafette, fantassin…), tout est l’objet de commentaires, souvent pertinents. On souligne le lien avec une tradition populaire du Nord de la France, les pigeons voyageurs. Des questions fusent : pourquoi pas de membre de l’état-major parmi les personnages ? Pourquoi pas de femme ? Je leur explique que j’ai effectivement besoin d’un personnage féminin et je leur retourne la question en leur demandant qui il pourrait être. Les idées ne manquent pas (femme, mère, fille, infirmière…). Je leur parle de Rose, couturière de la ville voisine, qui est le personnage que j’ai choisi, et je leur explique les raisons de mon choix.
Imperceptiblement, et de façon très concrète, presque ludique, c’est bien de dramaturgie dont il est question à chacune de nos séances… Ces échanges, très libres, me sont précieux car ils m’obligent à formuler mes doutes, mes questions et à clarifier mes choix. Je n’ai pas l’impression d’écrire sous leur regard, mais de partager l’écriture avec eux.
Dès lors, il me semble tout naturel d’aller au bout de l’aventure et de leur confier le texte pour la lecture publique finale. C’est le travail des dernières séances.
Lecture publique au Théâtre d’Arras, 6 avril 2001 :
Ce n’est pas facile car il faut « tordre » le texte, à peine né, de façon à ce que tous puissent participer à la lecture, ce à quoi je tiens. Mais quel luxe, pour l’auteur que je suis, d’entendre mon texte (et de le tester !) de façon quasi immédiate. On devrait toujours pouvoir travailler comme ça, en liaison avec une classe, un groupe, une compagnie…
Ils sont une vingtaine, il y a quatre personnages. Qu’importe, nous ferons un travail de Chœur. Tous sont distribués en fonction de leurs envies et plusieurs lycéens lisent le même personnage (parfois à l’intérieur d’une même scène). La distribution se fait comme par enchantement, chacun a une idée très précise de ce qu’il veut lire et défendre.
J’ai la sensation que le texte, déjà, ne m’appartient plus. C’est finalement le plus beau des cadeaux.
Au Théâtre d’Arras, le 6 avril 2001, derrière quatre pupitres aux noms des personnages, ce sont les voix de Gus, Toinou, Jacquot et Rose qui passent la rampe. La lecture est émouvante. Parce que c’est la première lecture publique de ce texte, mais surtout parce que les lecteurs, qui ont l’âge des personnages, prennent le temps.