luc tartar
« Vie intérieure » de Marek Koterski (2004)
Inédit, traduit en collaboration avec Agnieszka Kumor
mise à jour:

Vie intérieure a été traduit avec l’aide de la Maison Antoine Vitez, Centre international de la traduction théâtrale. Aide à la création du Ministère de la Culture (DMDTS), 2005.

Adam Miaulard n'a pas la vie facile : un mystérieux sadique sème la terreur dans son building de béton disgracieux ; l'ascenseur s'arrête à tous les étages sauf au sien ; ses beaux-parents le harcèlent sans cesse… Mais le drame de sa vie se déroule chez lui : sa vie de couple est un désastre. En proie à ses désillusions, le héros est assailli par son voisinage et se réfugie dans un monde peuplé de personnages sortis tout droit des émissions de télévision.
En sept épisodes, un pour chaque jour de la semaine, l'auteur dépeint un personnage sans relief, tiraillé entre trivialité et rêves d'héroïsme, obsédé par ses fantasmes non-assouvis, sa vie érotique inexistante et sa vie professionnelle peu ambitieuse. Du langage, tout à la fois quotidien et décalé, découle un humour noir et salvateur. Dans sa furie paranoïaque le héros nous paraît même sympathique. On rit, car la vie d'Adam Miaulard semble ne pas nous concerner. Et pourtant…


Un extrait :

MOI sort de l'ascenseur, il rentre du travail.

MOI Espèces d'enfffoirés.
EVA, séduisante, cheveux blonds, en robe de chambre sexy et transparente, sort de son appartement en tenant un petit seau à ordures coloré ; MOI la suit des yeux ; EVA s'étire voluptueusement :
EVA Luuundii.
Elle se dirige vers le vide-ordures, y vide son petit seau : peu après, des confettis et des serpentins s'échappent de l'orifice du vide-ordures et retombent dans les poubelles. EVA rentre chez elle. Moi revient à lui :
MOI Tas de culs-terreux.
Il entre dans l'appartement en marchant sur ses talons, enlève ses chaussures et met ses chaussons.
MOI Un jour quelqu'un entrera et tu le verras même pas.
FEMME (de la cuisine) T'as vu quelqu'un ?
MOI plonge sous l'évier et prend la poubelle.
MOI Comme si j'devais voir quelqu'un.
FEMME s'empare du journal que MOI a dans sa poche, et dévore le programme télé.
LA FOUINE sort de chez EVA, il dépose une bouteille d'alcool de marque près du vide-ordures, s'arrête près de l'ascenseur. MOI se dirige vers le vide-ordures.
LA FOUINE Bonjour.
MOI - rien.
MOI jette ses détritus dans le vide-ordures ; ils tombent lourdement dans les poubelles – comme la merde d'un éléphant. Il regarde la bouteille déposée par LA FOUINE, la prend. Passe L'AUTREAVECSONCHIEN avec CHIENFURAX et LA PETITE FILLE.
CHIENFURAX fonce sur MOI.
MOI Bas les chattes le chien! Bas les pattes !
L'AUTREAVECSONCHIEN Faut pas avoir peur !
MOI Bas les chattes les pattes !
L'AUTREAVECSONCHIEN Paaaspeuuur !
MOI Vire-moi ça tu me le vires !
L'AUTREAVECSONCHIEN Fait chier ! Qu'est-ce qu'il a à gueuler ! (ils entrent dans l'ascenseur) La ferme, casse-toi !
L'ascenseur redescend. MOI rentre chez lui, il place la bouteille dans la cuisine, à côté des autres bouteilles vides.
FEMME T'as parlé à l'autre avec son chien ? (et elle bat la crème fraîche)
MOI (dépose la poubelle vide) A l'autre avec la petite ?
FEMME Je sers ?
MOI (se dirige vers la table) Qu'est-ce qu'il y a ?
FEMME (sert le dîner) Ça chauffe.
Ils s'asseyent.
FEMME Un polar. J'ai encore vu le sadique.
MOI goûte la soupe, se lève ; il se dirige vers l'appartement d'EVA, s'apprête à frapper, mais elle est déjà là avec un petit verre rempli de sel :
EVA Le sel mon chou ?
MOI Non, oui, peut-être, un peu.
EVA Tout ce que tu veux mon chou.
EVA lui tend le sel d'un geste aguicheur. Elle est nue sous sa robe de chambre indienne. Pendant ce temps, FEMME mange, plongée dans ses pensées. MOI rentre chez lui et constate :
MOI (absent) Bander pour les blondes c'est l'erreur des mecs. Ils s'imaginent qu'en bandant pour elles, elles vont leur rendre la pareille. Mais pendant qu'elles allument les gars, elles sont froides comme des poissons. Les truites. Une fois par an au mieux.

MAREK KOTERSKI, auteur, metteur en scène, réalisateur, scénariste, essayiste

Né en 1942 à Cracovie (Pologne).
Après des études en littérature polonaise et en histoire de l'art, passage au théâtre universitaire „Sylaba” et mises en scènes au théâtre expérimental Teatr Otwartej Sceny.

Publication de reportages et d'essais dans des revues littéraires.
En 1966, auditeur libre à l'atelier du Pr. Eugeniusz Eibisch, à l'Académie des Beaux-Arts, à Varsovie. Début littéraire à l'almanach „Pomosty” - récit sur le célèbre acteur, idole de la génération des années 60, Zbyszek Cybulski.
1967-72, études de mise en scène à la fameuse école de film, à Łódź.
Courts et moyens métrages.
En 1984, premier film "Dom wariatów" ("Maison des fous"), dans lequel il a joué un des rôles.
1986, "Życie wewnętrzne" ("Vie intérieure"), réalisé par l'auteur, Lions d'Argent au festival des films polonais à Gdansk, prix de mise en scène.

Suivent d'autres films :
1989, "Porno"
1995, "Nic śmiesznego" ("Rien de drôle")
1986, deux pièces de M. Koterski paraissent dans "Dialog", revue théâtrale de renom : "Społeczność" ("La communauté", Dialog N° 3), "Życie wewnętrzne" ("Vie intérieure", Dialog N° 8).
14 mai 1987, création dans une mise en scène de l'auteur de "Vie intérieure" au Théâtre Współczesny, à Varsovie.
Depuis mai 1989, d'autres créations de "Vie intérieure" sur les scènes polonaises.
Décembre 1991, création du monologue "Nienawidzę" ("Je hais", paru dans Dialog 5-6/91) au Théâtre Bagatela à Cracovie, dans une mise-en-scène de K. Orzechowski, intérprété par P. Różański.
16 mars 1992, XIII Festival de la Chanson d'Acteur – monologue avec chansons "Je hais", par P. Różański.
Avril 1992, création du monologue "Je hais", dans une mise-en-scène de l'auteur, au Théâtre Współczesny, à Wrocław.
13 février 1998, création de "Kocham" ("J'aime", paru dans Dialog 11/97) et de "Nas troje" ("Nous trois", paru dans Dialog 2/98) dans une mise en scène d'Anna Augustynowicz, au Théâtre Współczesny, à Szczecin.
1998, création de "Maison des fous" au Théâtre Ateneum à Varsovie dans une mise en scène de l'auteur avec dans le rôle principal G. Holoubek (un grand acteur polonais).
2000, création de "Nous trois" au Théâtre Ochota à Varsovie dans une mise en scène de J. Bratkowski.
2000, réalisation à la télévision polonaise de "Nous trois", par l'auteur.
2000, édition allemande de "Vie intérieure" ("Innenleben", traduit du polonais par K. Bikont, dans Anthologie polnischer Dramen der Gegenwart (éd. ADiT).
2001, "Dzień świra" ("Jour du dingue", monologue paru dans Dialog et film, réalisé par l'auteur.

Voici comment l'auteur, lui-même, décrit sa carrière :
«… Depuis vingt ans je réalise des projets d'auteur au cinéma et au théâtre, en faisant les films d'après mes propres scénari et les mises en scène de mes pièces. Le cinéma et le théâtre sont intimement liés dans mon écriture...»

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Ne dormez pas chez vous cette nuit, projet de série théâtrale sur la rafle du Vel d’Hiv, obtient une bourse d’écriture du Centre National du Livre !

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