Editions de l’Amandier, 2005
«Un tas de vieux s’échappe d’une maison de retraite. Bilan : un mort.»
Il s’agit ici d’une expédition de la dernière chance : Monsieur Alfred, atteint de la maladie d’Alzheimer, est un véritable mort-vivant et les pensionnaires de « Saint-Placide », témoins privilégiés de son insupportable déchéance, ont décidé de faciliter son dernier voyage, en l’emmenant en pleine nuit à la mer. Innocemment, on va se débarrasser du malade en le foutant à la flotte...
Note de l’auteur :
Heureusement pour la morale, tout cela est le fruit de l’imagination des uns et des autres, et d’abord de celle de l’auteur. Je dédouane mes personnages et j’assume l’entière responsabilité de cette histoire incongrue. Sous ses airs loufoques — il faut bien rire de nos douleurs existentielles — ce roman est un cri de révolte devant notre impuissance face à la maladie. C’est donc aussi un sursaut de vie, un cri d’espoir.
Le marteau peut bien nous tomber dessus. Ecrire conjure le sort…
La presse :
« L’aventure est cocasse, même si elle évoque la maladie et la mort à laquelle Tartar, sensible, léger, fait un petit pied de nez. La copine Huguette, Martine et ses potes se font un road-movie à la française. Voilà un bouquin tendre et plein d’humour. »
La Voix du Nord, Nicolas André.
Un extrait :
On part comme des voleurs. Saint-Placide, quatre heures du matin. Madame Béatrice dit :
- Et si on allait voir la mer ?
Quelqu'un répond "Ta gueule". Et nous voilà partis. Ou l'inverse. Quelqu'un dit :
- Et si on allait à la mer ? et c'est madame Béatrice qui répond "Ta gueule".
Réflexion faite, quelqu'un dit ne pas savoir nager, mais c'est sans importance. Martine a déjà chipé les clefs du minibus — Saint-Placide, petites vacances et longs séjours — et ouvert la porte du garage. En deux temps, trois mouvements, on est tous prêts à partir : Madame Caroline, monsieur François, madame Béatrice, madame Huguette, monsieur Alfred et moi.
Nous voilà donc à la mer. On sort du minibus et on se colle les uns aux autres. A la va comme je te pousse on descend l'escalier et on arrive sur le sable. Et là, c'est parti. On dirait qu'on a fait ça toute notre vie. Ensemble, on porte monsieur Alfred et on trottine comme à vingt ans.
Au début, ce corps en souffrance n'est pas si lourd, mais très vite on perd le rythme. Dans ce tas que nous formons, il y a des demoiselles biscornues et des messieurs cagneux, des qui jouent des coudes et des qui grincent des dents. Ça clopine d'un côté, ça tire de l'autre, et c'est l'architecture de notre catafalque, nos corps déglingués et cet homme chiffon par-dessus, qui manque à chaque instant de s'écrouler.
Pour resserrer les rangs, Martine se met à chanter. Chant de guerre ou cri de ralliement, c'est un truc qui donne du pep, directement importé de son pays. On a vu ça à la télé. Des Zoulous qui poussent des hurlements et qui s'en vont d'un pas cadencé, peinturlurés à faire se calter les bêtes sauvages. Martine, c'est un chef. Je dis il, parce que Martine c'est un homme. Avec lui on n'a pas peur. Il chante. Et tout ça c'est un effet bœuf : ce cri de guerre, le bruit des vagues, au loin, et le cliquetis des clefs du minibus. On est tellement bouleversés qu'on reprend tous en chœur la chanson. Ça nous donne de l'allant, à nous faire oublier que c'est marée basse et qu'on a du chemin pour arriver jusqu'à l'eau.