luc tartar
Ayam (2013)
mise à jour:

AyamEditions Lansman - 2016
Commande du Théâtre de la Tête Noire (direction Patrice Douchet), dans le cadre du projet "Partir en écriture".
Le Théâtre de la Tête Noire à Saran, scène conventionnée pour les écritures contemporaines, a proposé à Luc Tartar de prendre carnets et bagages vers une destination de son choix, pour en revenir avec un texte dramatique.
Ce fut au Mexique, en octobre 2012, dans le Yucatan, sur les traces des Mayas d'hier et d'aujourd'hui et de la fête des morts...
Ayam a été écrit en 2013, suite à ce voyage.

+ Entretien de Luc Tartar, la génèse du texte

Pour découvrir les étapes du voyage :

                + luc-mexique.blogspot.fr


C'est la fête des Morts. Un jour particulier pour tous, une journée irrémédiable pour Dulce qui a 15 ans aujourd'hui, pour Ayam son frère, et pour Enrique son fiancé.


Tous les trois sont des descendants mayas. Ayam et Dulce gagnent leur vie en dansant dans la rue pour les touristes. Ils sont victimes de violences familiales et tentent d’échapper à leur quotidien en se réfugiant régulièrement dans la forêt, au bord du cénote.
Ce soir, en ville, la fête bat son plein. Ayam cherche désespérément sa sœur, avec un pressentiment sourd…
Ayam, Dulce, et Enrique racontent la journée où tout s'est joué. C'est le récit d'une vengeance, celle du face à face avec le père. Ils prennent la parole pour tous les personnages  : la touriste, le père, Eliceo un jeune lycéen, l'animatrice télé, le chorégraphe, tous spectateurs ou acteurs du drame.

Un extrait :

Un cénote dans la forêt tropicale.
 
Enrique  : Tu le fais  ?
Ayam  : Et toi  ?
Enrique  : Si tu le fais je le fais.
Dulce  : Qu'est-ce que vous faites  ?
Ayam  : C'est haut.
Enrique  : Ne regarde pas.
Ayam  : On dit qu'on jetait les gens ici.
Dulce  : Ayam... vous allez sauter  ?
Enrique  : Ne regarde pas je t'ai dit.
Ayam  : C'est Dulce. Elle a peur.
Enrique  : Mais toi tu n'as pas peur...  ?
Ayam  : On jetait les gens. On a retrouvé des os...
Enrique  : Des animaux...
Ayam  : On a retrouvé des crânes aussi.
Enrique  : C'était il y a longtemps. Personne ne sait ce qui se passait ici.
Ayam  : C'était un lieu de sacrifices. Tout le monde le sait.
Enrique  : C'était il y a longtemps.   
Dulce  : Ayam Enrique il y a un drôle de bruit dans la forêt.
Enrique  : Elle a peur ta sœur.
Ayam  : Vous allez vous marier  ?
Enrique  : Je l'aime bien.
Ayam  : Mais est-ce que vous allez vous marier  ?
Enrique  : Je suis le fiancé.
Dulce  : Je crois qu'il y a quelqu'un.
Ayam  : C'est sérieux  !
Enrique  : Ou bien rester chez mes parents jusqu'à trente ans.
Ayam  : D'ici je pourrais m'élancer. Un vol plané en piqué ou passer de liane en liane jusqu'au centre du trou et tout lâcher chute libre dans la gueule ouverte à voir passer les lianes les branches tout ce à quoi je pourrais me raccrocher mais en vérité c'est comme si j'avais les mains liées ou engourdies ou malhabiles et je fais que tomber aspiré par le gouffre comme les ancêtres du temps des sacrifices quand on jetait les hommes par-dessus bord les ennemis et peut-être même aussi les amis. D'ici je pourrais m'élancer en costume de fête de l'or et des bijoux sur le corps une coiffe de plumes multicolores sur la tête un apparat mais rien pour amortir le choc ou empêcher de se noyer dans l'eau turquoise qui tend ses bras là-bas tout en bas. D'ici si je m'élançais y'aurait rien pour m'envoler m'extirper au dernier moment de la gueule béante comme les chauves-souris flap flap flap pas même les plumes de la coiffe qui seraient collées entre elles par le désespoir d'avoir perdu le sens ascensionnel. D'ici je vois rien pour sauver ma vie...
Enrique  : Et la danse  ?
Ayam  : Danser. Une bouteille de cerveza sur la tête. Et les touristes qui tendent des billets. Frappent dans leurs mains... Temps. Y'a combien  jusqu'en bas ? Trente mètres  ?
Enrique  : Si tu le fais je le fais.
Temps.
Ayam  : C'est Hanal Pixan.
Enrique  : Et alors  ?
Ayam  : Mourir le jour des morts  ?
Dulce  : Il y a quelqu'un Ayam. Ça bouge dans la forêt.

 

La presse :

 

Ayam est une pièce baroque et déchirée traitant du suicide et de l’inceste. [...] Luc Tartar aime bien donner la parole à des jeunes adolescents, qui, comme des funambules, dansent avec les mots en équilibre sur un fil, à deux doigts de la chute.

Laurence Cazaux.

Article du Matricule des Anges, numéro 172, avril 2016, Laurence Cazaux


 

+ La mise en scène de Cécile Tournesol, novembre 2021